vendredi 19 avril 2024

Pour le supplément littéraire du « Tageblatt » : Les Temps ultramodernes (mars 2022)

[Je reproduis ici, passé un certain délai, mes articles consacrés à des livres relevant des littératures de l’imaginaire pour le supplément Livres-Bücher du Tageblatt luxembourgeois, cet article en particulier étant destiné à être lié à un prochain sur ce site qui sera consacré à La Croisière bleue, la nouvelle incursion de Laurent Genefort dans les temps ultramodernes. Limités en signes, ces articles sont formatés pour un journal imprimé, mais celui-ci ne les publie pas en ligne.]

Hommage uchronique
Laurent Genefort : Sur les traces de Le Rouge et Wells

Dans son dernier roman, Laurent Genefort réinvente le Paris des années 1920 à la lumière d’une découverte imaginée : la cavorite, aux propriétés antigravitationnelles. Une uchronie teintée d’atompunk qui rend hommage aux pionniers de la science-fiction.

Dans le Paris des Temps ultramodernes, seule la plèbe emprunte les immenses trottoirs roulants des grands axes. Les plus fortunés, eux, se déplacent dans les airs et amarrent leurs véhicules au troisième étage des immeubles, là où l’opulence commence. Les paquebots volants réduisent les temps de parcours entre capitales… mais aussi vers Mars, où les Terriens ont établi une colonie. Tout cela grâce à la découverte de la cavorite, une roche radioactive qui a la particularité d’annuler la gravité. Mais ses réserves s’épuisent, et les Curie ont déterminé que son effet, qu’on croyait quasi éternel, est de durée très limitée.

C’est donc dans un monde où les tensions géopolitiques pour l’approvisionnement en cavorite sont exacerbées que s’entrelacent plusieurs histoires. D’abord celle de Renée Manadier, institutrice forcée de se rendre à Paris pour y trouver du travail, qui va faire la rencontre fortuite d’un Martien échappé du Jardin des plantes. On suit également l’artiste Georges Moinel, lequel se retrouve en contact avec des mouvements politiques radicaux. Quant au commissaire Peretti, qui va s’adjoindre les services de la journaliste Marthe Antin, il va mettre au jour des agissements suspects jusqu’au plus haut de l’État. Enfin, le Dr Chery, condamné pour avoir stérilisé des jeunes filles pauvres dans ses cliniques, va se voir proposer sur Mars la direction d’un étrange camp.

Dans ce roman, Laurent Genefort rend un hommage appuyé à deux pionniers de la science-fiction. En effet, la cavorite est une invention de H. G. Wells, en 1901, dans The First Men in the Moon. La faune de Mars est, elle, tout droit sortie du Prisonnier de la planète Mars, un livre de Gustave Le Rouge emblématique du merveilleux scientifique français, paru en 1908. Au fil des pages, le travail de documentation de l’auteur permet une plongée réaliste dans ce Paris bouillonnant des années 1920, créant la suspension d’incrédulité nécessaire à la lecture. Ainsi, nombre d’artistes historiques — parmi lesquels Picasso, Bonnard, Cocteau ou Paul d’Ivoi — y peignent ou y écrivent sur la cavorite, tandis qu’un mouvement immobiliste prétend résister à l’accélération du monde apportée par celle-ci. Des allusions sont distillées dans les noms employés, afin de procurer quelques clins d’œil aux amateurs éclairés : on rencontre un chercheur appelé Cornélius (le Dr Cornélius est une autre figure de l’œuvre de Gustave Le Rouge) ou le paquebot Aelita (d’après le roman de Tolstoï où la révolution soviétique s’invite sur Mars). Le style très allant de Genefort permet d’intégrer ces références sans ostentation ; nul besoin d’expertise en science-fiction historique pour passer avec lui de Paris à Mars et retour.

Au-delà de l’aspect divertissant de l’aventure pointent des thématiques bien actuelles. On pensera tout d’abord à la raréfaction d’une ressource naturelle à l’origine de notre civilisation moderne (ou ultramoderne ?), évidemment. Mais l’évocation de la colonisation, incluant le sort réservé aux peuples colonisés, est aussi bien présente. L’hommage de Laurent Genefort à ses grands prédécesseurs se pare ainsi des atours de la réflexion sur notre époque, comme il sied à un ouvrage de science-fiction. Au lieu de mettre en question le présent au moyen du futur, cependant, l’uchronie le fait ici au moyen d’un passé différent. Spécialiste primé des planet operas, le romancier réussit pleinement son incursion dans le genre.

Laurent Genefort, Les Temps ultramodernes, Albin Michel Imaginaire, 2022, 464 p., 22,90 €.

jeudi 18 avril 2024

Berlin en photos et poèmes sans filtre, #18

tu explores de tes doigts les rues où tu n’iras jamais
suis les contours des mers que le déchirement du papier dessine
toujours au même endroit tu te figes
chaque jour des fibres partent à la dérive
le long des côtes flambant vieilles de l’abandon
cabotent des vaisseaux chargés d’histoires
raconte-les avant qu’elles ne se terminent mal

mercredi 17 avril 2024

Berlin en photos et poèmes sans filtre, #17

les pas sur le trottoir sonnent comme des rumbas boiteuses
pas de danger que le pont entre en résonance
des pigeons s’approchent & me convoitent
je fais corps avec les miettes de ma pensée

mardi 16 avril 2024

Berlin en photos et poèmes sans filtre, #16

accroché à la trame du temps
l’amour finira rouillé
avec les derniers relents d’extractivisme

lundi 15 avril 2024

Berlin en photos et poèmes sans filtre, #15

[on triche encore avec une photo de Leipzig, mais comment ne pas faire taire une polémique ?]

ah ! djodjo
balance une fugue pour les d’JO
tu vas mettre everybody d’accord
sur comment faire bouger son corps

ah ! djodjo
envoie ton beat pour les d’JO
dans ton son y a pas un seul glitch
depuis des siècles on est tes bitches

dimanche 14 avril 2024

Berlin en photos et poèmes sans filtre, #14

léon forme de noirs desseins
pour la domination du monde
asservir les petites fourmis humaines
sous la roue de ses plumes éclatantes

léon forme de noirs desseins
serons tous sujets de sa morgue arrogante

samedi 13 avril 2024

Berlin en photos et poèmes sans filtre, #13

suite des poèmes brassicoles [de bord de Spree] au choix :

3.
hanap ou mazagran
le défi
suprême
monter les marches droit

4.
verre vidé
sur le granite
les chemineaux
offrent les premiers secours

vendredi 12 avril 2024

Berlin en photos et poèmes sans filtre, #12

tout est fluide
les envolées de canards méfiants sur le lac
la joggeuse engoncée dans ses écouteurs jaunes
les chiens qui courent sans laisse dans le chemin de terre
je mets de l’huile dans les rouages de mes méninges
la journée est un tripatouillage d’actions hétéroclites
une giclée de mouvements qui ondoient

jeudi 11 avril 2024

Berlin en photos et poèmes sans filtre, #11

[invocation du hibou consciencieux]

hou ! grand-ducal au crépuscule suis
les aigrettes dressées en alerte
hou ! le paysage protégé quadrille
survole les fleurs que vous ne devez cueillir
hou ! d’un froissement réprimande
qui s’aventurerait à contrevenir
hou ! gardien zélé du territoire suis
tant que subsistera mon biotope fragile

mercredi 10 avril 2024

Berlin en photos et poèmes sans filtre, #10

je voudrais chanter les égouts
les eaux épaisses où grouillements pullulent
à ciel ouvert ou souterrains
sanies dans l’onde brunâtres suspensions
chanter les terreurs cachées les légendes urbaines
pas d’ode ni d’hymne plutôt
un simple salut aux autoroutes fétides
sacrifiées propitiatoires aux allées de verdure proprettes
chanter la mécanique huilée du rebut
la courroie essentielle de la zone bienséante
sous le capot coulent les flots

mardi 9 avril 2024

Berlin en photos et poèmes sans filtre, #9

[poème paresseux]

et tu crois que la poésie
vient toute crue sous le plumail ?
sans relâche elle se travaille
il faut touiller dans la vraie vie

lundi 8 avril 2024

Berlin en photos et poèmes sans filtre, #8

peut-être bien
y aura-t-il toujours un moment
où ça ira — quels que soient
les coups de boutoir de semonce de bourdon
mais ce moment-là
l’éternelle relâche dans le néant
autant le repousser pour jouir
emmerder qui confisque les existences
brûler si nécessaire de fureur les larmes

dimanche 7 avril 2024

Berlin en photos et poèmes sans filtre, #7

tous les chemins mènent à
la comédie des appa-
rences où tout un chacun
rences où tout un chacune
gigote remue taquin
frétille danse taquine
à ce jeu cesser de pa-
raître serait un trépas
un froid de zéro kelvin

samedi 6 avril 2024

Berlin en photos et poèmes sans filtre, #6

vous qui passez sans m’embrasser
arrêtez-vous un instant
pas une seule cloque pas une seule verrue
je suis aussi lisse que la peau d’un nouveau-né
ma langue ? à peine servi
mes bonds ? prodigieux

vous qui passez sans m’embrasser
arrêtez-vous un instant
pourquoi tant de hâte ?
dans le brouhaha alentour
distinguez mon coassement
puis plissez vos lèvres

c’est ça
vous ne le regretterez pas

vendredi 5 avril 2024

Berlin en photos et poèmes sans filtre, #5

[on triche un rien avec une photo prise à Potsdam]

ah ! élever la marmaille
de nos jours
d’étalement urbain
: une broutille de broutage
un goût minéral
l’authenticité dure
     agglomérée
sale époque pour les darons

jeudi 4 avril 2024

Berlin en photos et poèmes sans filtre, #4

joue de tes facettes
dans la lumière ténue
appuie appuie ta tête
sur les vagues du son
rien ne cambre plus le noir
que tes rayons que tes rayons
et quand vient le point d’orgue
laisse filtrer tout ton spectre dans un tunnel de rais tonitruants

mercredi 3 avril 2024

Berlin en photos et poèmes sans filtre, #3

il faut être pour
ou bien contre
— contre le tronc c’est
pour les branches
; pour le tronc c’est
contre les racines
etc.
etc.
etc. (ad lib.)

je choisis la canopée

mardi 2 avril 2024

Berlin en photos et poèmes sans filtre, #2

poème funéraire de bord de lac au choix :

1.
que la bière retourne à la terre
dans son vêtement de
poussière de sable
chauffée à blanc

2.
le temps œuvre
pour la poussière
l’ébriété le suspend
     mais
le sable retourne au sable

lundi 1 avril 2024

Berlin en photos et poèmes sans filtre, #1

rêve-branchies
réalité-clapotis

sur l’eau seuls
un véliplanchiste égaré
un colvert esseulé
fraternité avant la pluie

descente profond
& surtout
sous la limite du haïku

samedi 30 mars 2024

Rendre l’âme mais à qui ?

« Je veux bien chanter avec vous Monsieur qui chantez si fort. Mais avant j’aimerais quand même bien savoir : qu’entendez-vous par sang guimpur ? » Spécialisée dans la publication d’aphorismes, la maison Cactus inébranlable accueille pour ce nouvel opus — au sein de la collection « Microcactus » qui tient dans la poche — un Daniel Birnbaum en forme, lequel a pris soin de creuser le sillon de ces courts textes humoristiques. La poésie les prend bien volontiers sous son aile, elle qui ne dédaigne pas les sourires. Il me faut pourtant reconnaître que l’aphorisme, dans son immédiateté amusante, n’est pas forcément mon genre poétique préféré (même si, bien entendu, l’immédiateté n’empêche pas la profondeur). Pas grave : outre des aphorismes plus succincts et directs, Daniel propose dans ce recueil moult microhistoires où s’installe une narration, où la chute n’est pas automatiquement là où réside l’humour… en somme, et pour ma subjectivité s’entend, des textes plus fouillés et qui permettent de varier les styles. Certains thèmes récurrents relèvent aussi du comique de répétition. Ainsi Dieu en prend-il pour son grade, tout comme celles et ceux qui ont la faiblesse de croire en… iel :

CQFD (ce qui fait Dieu)
D’il et elle on fait iel, de celle et celui faisons ciel, de celles et ceux faisons cieux, d’elle et de lui faisons d’iel, et d’elles et d’eux faisons dieux.
Se faire dieu, c’est ce que nous voulons, non ?

On le voit, les bons mots sont ici également de beaux mots, dans une construction élaborée. Les extra-terrestres s’invitent aussi souvent dans les microrécits. Tiens, dans celui-là par exemple, qui pourrait bien être lié au précédent (construction, je vous dis) :

Une croix sur sa carte
L’extra-terrestre gare son vaisseau en orbite, passe dans la machine à morphing, en ressort en humain, et s’en va visiter le pays qu’il a choisi pour les vacances. Grâce à son charisme et quelques effets spéciaux dont il ne peut s’empêcher de faire la démo, il se fait de nombreux amis. Notamment un certain Judas.

Lucide, ironique, joueur, tendre aussi, le poète croque des scènes qui mettent en avant la beauté du monde dans tout ce que celui-ci a de parfois absurde et pourtant émouvant. Sans pour autant en cacher la rudesse. Allez, une dernière microhistoire pour la route, pour clôturer cette microchronique d’un recueil petit format qui ne la ramène pas, mais fait preuve de sérieux dans la gaieté :

Marché
On dit que les cordonniers sont les plus mal chaussés. Lui travaille carrément pieds nus. Il s’installe tous les jours sur le trottoir en face du marché Ben Thanh. Quoi de plus naturel, finalement, que de réparer les chaussures à l’endroit même où elles s’usent. Il répare les chaussures de son quartier. Pas celles qu’il n’aura jamais l’occasion de porter, celles qui servent à marcher sur les autres.

Daniel Birnbaum, Rendre l’âme mais à qui ?, Cactus inébranlable éditions, ISBN 978-2-39049-098-2

jeudi 21 mars 2024

Supplique pour la fin des nuits sans lune

« Encore plus fantomatiques / sans la lune », les nuits noires sont emplies de « grincements / gémissements / vulgaires // qui rebondissent / à l’infini ». Dans Supplique pour la fin des nuits sans lune, Laurence Fritsch décrit l’obscurité qui concentre peurs et insomnies, mais aussi stimule la créativité dans un élan de survie que le noir fait poindre. Après tout, « la page est un territoire inquiet » pour qui entend taquiner la muse… ou plutôt Phœbé. Un astre que la poétesse défend dans son avant-propos contre certaines idées saugrenues de « colonisation industrielle et touristique ». Pour Laurence, la Lune (la planète) comme la lune (sa lumière) sont salvatrices : « si elle luit / tu y abandonnes / spectres cauchemars périls / dans la poix / tu pries le vent / pour que revienne / haletante jusqu’au matin / la lumière ». Ce court texte — ils le sont tous — représente un peu l’art poétique du recueil. Dans des vers ramassés, en deux séquences de vingt-sept poèmes, s’échafaude une supplique à la « lune thaumaturgique » à laquelle la cadence, les images, les tropes donnent un air d’incantation magique. « les heures grises / avalent et crèvent / les rêves / lunatiques », et l’on se prend à supplier avec l’autrice pour que la lumière d’Hécate renvoie « le meneur de nuées » à son ombre, dissipe les « parfums de vase / de caverne de cadavre ». Même si la lumière ici invoquée ne peut rivaliser en lumens avec celle du soleil, elle guide à travers la nuit, elle aide à traverser les turpitudes des ténèbres. Haro sur les mauvaises pensées et l’inspiration chancelante : il y aura toujours « un poème en guise d’espérance ».

Laurence Fritsch, Supplique pour la fin des nuits sans lune, Pierre Turcotte éditeur, ISBN 9782925219729


Très court extrait audio :

jeudi 14 mars 2024

Une photo, un poème sporadique, #14

peace.webp, févr. 2024
Hambourg, 29 février 2024

les couleurs
protestent ensemencent contaminent
l’épée — huit mètres ! — d’Otto
; là comme ailleurs les
pigeons & mouettes caquent sur
la tête du passé
radieux

jeudi 7 mars 2024

Une photo, un poème sporadique, #13

rails.webp, févr. 2024
Hambourg, 28 février 2024

la draisine de l’existence
déraille souvent
un remède ?
métal contre métal
hymne à la vitesse
: étincelles !

mardi 5 mars 2024

Pour Traction-brabant 107 : Canada

« Montre-moi ton passe-partout / et je te dirai quel gauchiasse tu es. » Dès le poème qui ouvre le recueil, ça cogne. Et ça ne s’arrêtera pas : Tomasz Bąk observe, critique, ironise, n’épargne personne, pas plus « les promoteurs des valeurs progressistes » de gauche que « les attachés aux valeurs culturelles » de droite. Oui, ça cogne. « Tape, je te dis. Vise le système et frappe. » Dans ce monde désolant que sa génération a hérité, le jeune poète écrit entre autres sa colère sourde face à une société où « il n’y a pas de conte de fées qu’on ne puisse transformer en porno ». C’est à un flux d’images ininterrompu qu’il nous convie, faisant défiler devant nos yeux les scènes qu’on pourrait voir sur les chaînes d’information continue, les commentant avec un humour sec qui refuse le politiquement correct : « les Jaunes produisent, les Noirs vendent, / les Blancs en tirent profit. Et chacun est satisfait, le monde tourne ainsi. » Comment Tomasz Bąk en est-il arrivé à ce constat ? En partant d’un match de football entre les Pays-Bas et l’Angleterre, puisque sa soif d’interpréter ou de décortiquer la société prend sa source dans le quotidien qu’il scrute, et puis en laissant couler les mots.

En effet, ses poèmes cherchent (et citent d’abondance) le « flow », le « beat », le « funk » : « Monte l’overdrive, augmente les médiums / et écris quelques chansons sur l’amour ». La musique est forte comme les gueulantes, l’atmosphère est moderne, urbaine, faite de barres d’immeubles et de poubelles plutôt que de champs où poussent les jolis coquelicots. Laissons encore la parole au poète pour le plaisir : « Car si le monde est réellement un plateau en duralex / qui repose sur quatre crocodiles aiguisant leurs dents, / alors sur ce plateau je suis un cheveu. Sur ce plateau je suis / une cicatrice. Comme un fromage fondu à mort dans un micro-ondes. »

Dans cet univers littéraire où la contestation et l’observation sévère figurent parmi les moteurs des strophes, où politique, société et religion se télescopent pour se voir pourfendre, la traduction de Michał Grabowski (épaulé par Clément Llobet) restitue la franche et limpide oralité des poèmes tout en transposant leurs références culturelles avec habileté — tandis que l’intéressant glossaire en fin d’ouvrage apporte des précisions utiles. Engagé, social, distant pour mieux critiquer la réalité, proche pour mieux l’embrasser, Canada est un recueil bref mais vigoureux, dans une langue d’aujourd’hui qui fait mouche. Tiens, au fait, « si l’espoir meurt vraiment en dernier / qui donc éteint la lumière ? »

Tomasz Bąk, Canada, traduit par Michał Grabowski avec la collaboration de Clément Llobet, éditions LansKine, 80 p., 16 €, ISBN 978-2-9578277-5-6
Cette chronique a paru dans le numéro 107 du poézine Traction-brabant, à découvrir ici si le cœur vous en dit. Merci à Patrice Maltaverne pour son accueil.


Deux extraits, dont un premier en audio, le poème éponyme :

 

 

Apocryphe

Horaires d’été, festivités en plein air jusqu’à l’aube blanche
ou la première intervention de la police. Il n’y a pas de miracle.

Après plusieurs heures en plein soleil on aperçoit dans les rues
des interprétations de scènes de l’Évangile, des saints en tongs.

Hier, par exemple, j’ai failli percuter à vélo le St-Esprit.
Ça devait être lui, les colombes ordinaires n’ont pas cette blancheur céleste.

Aujourd’hui, c’est pire. J’ai rencontré un homme qui, en un quart d’heure,
a joué seul une adaptation du mystère de la Passion du Christ.

Avant, cela me semblait impossible – d’incarner simplement
et à la fois le messie, Judas et Madeleine : tomber, mourir et pleurer ;

ressusciter, s’épousseter et aller aux putes. Pure perfection.
Sale perversion. Sans hésitations, ni présentations.

Il a juste marmonné le message : rester assis et boire du vin rouge
rend divin et capable d’avaler la divinité de l’autre.

samedi 24 février 2024

Une photo, un poème sporadique, #12

wc.webp, févr. 2024
Genève, 23 février 2024

ça passe ça pousse ça presse
coulent d’aisance les Eaux-Vives
les pantalons se baissent

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