lundi 10 juillet 2023

Reykjavík en photos et poèmes sans filtre, #12

Moi morue
bien au froid dans mon banc
n’ai que faire
des odes qui me sont lancées
sous forme de chalut
    ; je me débats
    dans le courant spirale
— on tranchera vif dans
ma chair blanche
sous des latitudes
de vin vert
    alors bon
    le lyrisme…

Reykjavík en photos et poèmes sans filtre, #11

Fêtards avinés
dans la nuit d’été
glissent sur un en-
lacement serré
qui défie le temps

dimanche 9 juillet 2023

Reykjavík en photos et poèmes sans filtre, #10

L’eau est partout :
source de vie ;
bain primordial ;
soupe originelle
d’où nous nous sommes levés
— l’eau coule ou stagne
& comme ce quelque chose
    de pourri
dans le royaume du Danemark
il se sent une odeur
    d’œuf pourri
dans la république d’Islande

samedi 8 juillet 2023

Reykjavík en photos et poèmes sans filtre, #9

À mi-cordée on
ressent le collectif au mieux
; ventre mou de la conquête
    qui
passe par d’innombrables
existences invisibles —
on grimpe ou
    rame ou
        mouline
souquez ferme ! les
moussaillons sont de la
graine d’explorateurs qui
jamais n’éclora, ou
si peu — & puis les pics
se plantent dans des rivages
    encore inconnus (enfin :
autochtones exceptés)
& la découverte se transforme en
symbole métallique luisant
après des siècles
après des contes
après des livres d’histoire
    un rien tronqués
& on a beau le savoir
les tridents de bord de mer
ils ont quand même de l’allure

vendredi 7 juillet 2023

Reykjavík en photos et poèmes sans filtre, #8

Passe presto pressé
échappe aux rues peuplées
dans des impasses subreptices
où paraissent parfois des
perles de temps anciens
— pour parfaire ton camouflage
peins-les de rouille &
entre les rouleaux
pérégrine bien souple
    mais surtout
perds-toi plan
dans un présent trop plat
    … ou vice-versa ?

jeudi 6 juillet 2023

Reykjavík en photos et poèmes sans filtre, #7

L’aventure c’est l’aventure
vante le musée
conscient de la concurrence
effrénée d’un chasseur de trésors
    désormais octogénaire
    — mais toujours cinégénique —
oui
: l’aventure c’est l’aventure
trop souvent amerloque
    désormais
götur, stræti & vegir bruissent des accents
du Texas et de l’Indiana
les hot-dogs sont érigés
    en totems
l’aventure c’est l’aventure
& voilà déjà
bien plus de trois décennies
qu’est mort Lino Ventura

mercredi 5 juillet 2023

Reykjavík en photos et poèmes sans filtre, #6

Pour rallumer les étoiles
prière d’attendre :
le pas de tir
vers l’espace
brinquebale sous les coups de boutoir
du centre de la Terre


(Eh oui, ça bouge !)

Reykjavík en photos et poèmes sans filtre, #5

Commodément immergé
dans une eau à 38 degrés
un verre à la main
le sage pontifie :
« seul le chemin importe —
toute destination est illusion —
toute déviation, bénédiction »
Survient alors le simple :
« mais moi, j’ai mal aux pieds ! »
La morale s’en remet
    à votre sagacité

mardi 4 juillet 2023

Reykjavík en photos et poèmes sans filtre, #4

Tu peux bien
frapper la tôle ;
hurler au vent ;
inscrire tes doléances au manteau des
    cheminées
ou
    sur des hôtels de luxe…
l’esthétique des profondeurs
traverse toujours les strates géologiques
pour se dissiper
vers le ciel
en un panache
    plus résolu
que tes envies de surface

Reykjavík en photos et poèmes sans filtre, #3

Hop ! pensait la fillette
sur les chemins de terre noire
« mes genoux écorchés
c’est un apprentissage »
    ; aujourd’hui
pulsée d’électrons
elle fuse sur les trottoirs clairs
Hop ! — les mollets
striés de boue sombre
le vent & le passé dans le dos
vive la fluidité
au diable l’innocence
Hop ! hop ! hop !

Reykjavík en photos et poèmes sans filtre, #2

Barbare suis
quand je croque la pomme
    importée
– la géothermie substitution
au climat tropical ?
non, mais les transhumances
plantent des graines
de Veda dans les sagas
& les portes s’ouvragent
à mesure que se mélangent
les cultures des papilles

Reykjavík en photos et poèmes sans filtre, #1

Des héros partout
& leurs tunnels d’admiration
creusés dans des édredons bien chauds
les petites fleurs — les petits oiseaux
    du lyrisme
brûlés au soleil de la nuit absente
« une bonne guerre », dit
le grand-père aux
petits-enfants les yeux dans le coltan
    : foutaises
laissons les statues
comme des reliques
& cultivons
ce qui ne croît pas jusqu’au ciel
laissons les statues
& attendons les extraterrestres
(pour leur montrer l’exemple)
laissons les statues
— les vrais héros
ce sont les doux
— les vraies héroïnes
ce sont les douces
& pour ça
pas de piédestaux

mardi 27 juin 2023

Quelque part, le feu

Il y a toujours quelque part une certaine frustration à lire une anthologie où figure un poème par auteur ou autrice, encore plus lorsque ce sont pas moins de 125 contributeurs et contributrices qui ont répondu à l’appel de l’anthologiste. Bien sûr, Quelque part, le feu n’échappe pas à cette règle — on en voudrait plus parfois, tant certaines écritures nous touchent ; mais d’autres yeux se feront plus doux pour d’autres vers, alors on se fait une raison, puisqu’il en faut pour tous les goûts. Et puis je dois donner cet avertissement : j’ai participé à ce recueil. Voilà. Ceci étant posé, l’anthologie dirigée par la dynamique Claudine Bertrand (on imagine l’effort nécessaire à mettre en place un tel livre) est tout à fait intéressante. En effet, elle permet de flâner à sa guise dans la vaste forêt de la poésie contemporaine francophone (tous continents mêlés), afin d’en comprendre les tendances telles que sanctionnées par un sujet particulier, le feu en l’occurrence. Ce qui frappe au fil des pages, c’est le nombre de contributions qui s’emparent de l’acception potentiellement tragique du feu : « Quelqu’un sera évaporé au milieu d’un baiser / […] Juste une boule de feu, silencieuse, / Qui nous engloutit comme une amibe », écrit Claudio Pozzani (Gênes), faisant du volcan la métaphore d’une catastrophe écologique que d’autres décrivent sans mots couverts. Ainsi Claudine Bertrand (Québec, anthologiste de cet ouvrage on l’a vu) évoque-t-elle « La terre mère / noyée sous nos pas / le pôle Nord à la dérive / entre orages et incendies / en forêt amazonienne / charriant leur pollution ». Les volcans s’invitent à plusieurs reprises, de fait — Max Rippon (Marie-Galante) : « Les brasiers sont partout, le long des cannaies imberbes » ; Daniel Maximin (Guadeloupe) : « Soufrière, tu te places au plus haut pour le premier accueil de Soleil et Étoile »), tandis que beaucoup de poètes et poétesses mettent leurs strophes sous le signe d’un avenir pas forcément radieux, dans une langue métaphorique souvent, lyrique par moments, fréquemment riche d’allusions et de figures de style. On navigue cependant, nombre de contributions oblige, dans une mer de surprises. D’abord celle de définir le sujet du feu par ce qu’il n’est pas, telle Hélène Fresnel (Paris) : « Ce n’est pas une attaque ni un déferlement / mais c’est sans mesure / tendresse / et don ». La chaleur du foyer se glisse ainsi dans les pages, avec notamment Malick Diarra (Sénégal) et ses « Chaleur mesurée, odeur de gâteau, régal, sourires ». Certains poèmes appliquent un baume apaisant sur la violence d’autres, équilibrant les sentiments contrastés. On nous emmène même dans l’espace, comme Françoise Coulmin (Normandie), qui croque la Guyane et sa base de lancement de fusées : « Un feu de nouveau monde / puissant souffle de flammes / pour propulser tous ces engins d’exploration / vers    peut-être    l’Ailleurs ». S’il y a d’ailleurs peu de poésie narrative dans ce recueil irrigué on l’a vu par le lyrisme, certaines contributions s’emparent pourtant de ce style. Face à face, Lydia Padellec (Bretagne) et Angèle Paoli (Corse) évoquent de terribles feux de forêt, aux monts d’Arrée (« S’embrasaient landes, bruyères et carex / Dans un crépitement de crâne fêlé ») et dans le maquis (« visions hallucinées d’espaces en fusion    la statue de la Vierge émergeant    noircie »). « Le monde à feu / Un monde affreux » (Jérôme Tossavi, Bénin) se taille la part du lion… Mais le feu de l’amour n’est pas en reste, que sert Anne Cillon Péri (Cameroun) dans « Le feu au cul », pas gnangnan pour un sou : « Le temps jette l’huile sur le feu d’une / Sortie de l’âtre conjugal tandis que / L’éloignement agresse le désir comme une arme à feu ». On aura compris, puisque le cadre temporel d’une chronique-minute est ici dépassé, que ce recueil saura allumer les désirs de poésie les plus divers !

Quelque part, le feu, sous la direction de Claudine Bertrand, éditions Henry, ISBN 978-2-36469-263-3


Parce qu’il était impossible de citer tout le monde dans une chronique-minute, voici tout de même les noms des 125 poètes et poétesses : Al Hamdani, Al Masri, Althen, Atalla, Augry, Barnabé-Akayi, Baros, Barrière, Basso de March, Bekri, Bénard, Benjamin, Benkirane, Ber, Bertoncini, Bertrand, Bianu, Bohi, Boni, Borer, Boudet, Boudier, Boulad, Boulila, Bralda, Brancion, Carcillo- Mesrobian, Cartier, Chambon, Chegeni, Cillon-Perri, Clancier, Cloutier, Compère-Demarcy, Corre, Coudray, Coulmin, Danjou, Davin, De Jesus Bergey, Delayeau, Des Rosiers, Desmée, Després, Diarra, Dracius, Dubost, Dumay, Dupon, Dupuy-Dunier, Durân-Barba, Fabre G, Faure, Fournier, Francœur, Freixe, Fresnel, Fumery, Gafaïti, Glück, Goffette, Guénette, Guézo, Guilbaud, Guivarch, Hurtado, Imasango, Ivanova-Jarrett, Klein, Kohlhaas-Lautier, Konorski, Kurtovitch, Lamoureux, Lange, Laye, Le Boël, Leroux, Leuwers, Lévesque, Libert, Machado, Mahy, Maximin, Mbaye, Merle, Morillon-Carreau, Ndione, Nichapour, Nimrod, Nys-Mazure, Oumhani, Padellec, Paoli, Parvex & Blaquière- Roumette, Péglion, Persini, Pey, Peyrouse, Poblete, Poindron, Pont-Humbert, Pozier, Pozzani, Regy, Renard, Reuzeau, Ribeyre, Rippon, Roy, Sanchez-Rojas, Sarner, Scotto, Selvaggio, Shishmanian, Sioui, Toniello, Tossavi, Tyrtoff, Ughetto, Vieuguet, Viguié, Wallois.

lundi 29 mai 2023

Rossignol

Dans un lointain futur, au cœur de l’espace, flotte la station. Véritable creuset d’espèces, celle-ci accueille celles-là de partout, régulant grâce aux « Paramètres » ses variables d’environnement pour héberger les formes de vie les plus diverses, des Humanias — qui nous sont familiers (ou presque, on va le voir) — aux Muu-sh, constitués d’ondes, en passant par les individus de base méthane plutôt que carbone. Si la station peut se permettre de faire se côtoyer ainsi les différences, c’est qu’elle a une activité économique lucrative : la capture d’astéroïdes pour en extraire les minerais. Mais l’harmonie qui y règne n’est pas seulement le résultat de la juxtaposition pacifique des espèces. Le brassage y prévaut, si bien que les « stationniens » sont bien souvent le fruit de fécondations croisées, rendues viables par un savoir-faire génétique à toute épreuve. Comme le dit un personnage, « la station est un lieu et un test […]. Une expérimentation. On y crée des hybrides. On mélange les techniques, les modes de vie. On voit ce qui y fonctionne, ce qui ne fonctionne pas, ce qu’il faut corriger. » Parfois, « des groupes de sept, huit, voire douze individus, hybrides ou non, [décident] de donner chacun un peu d’eux-mêmes pour créer une nouvelle conscience dans un corps unique ».

Ce petit paradis de tolérance, cette quasi-utopie sociétale voit pourtant s’affronter les Spéciens, qui prônent la séparation des espèces, et les Fusionnistes, partisans du melting-pot intégral. La narratrice, dont on n’apprendra le nom que tard dans le texte, se trouve mêlée à ce conflit. En majeure partie Humania, mais tout de même porteuse de gènes différents, elle a donné naissance à un fils lui aussi hybride. C’est dire si elle se situerait du côté des Fusionnistes… mais parfois l’amour fait vaciller les certitudes. « Je ne me définis pas seulement par mon ADN. J’évolue. J’apprends », dit-elle en outre. De fait, ce court roman publié dans la collection « Une heure-lumière » des éditions Le Bélial’ est également un récit d’apprentissage, tant pour la protagoniste que pour la station, laquelle ne sortira pas indemne de l’affrontement précité.

Audrey Pleynet fait le choix de distiller son univers par petites touches, nous plongeant sur-le-champ et sans filet dans la station et son grouillement de vie. Au début, l’héroïne se trouve dans ce qu’on comprend bientôt être une planque, à la suite d’une transgression qui ne sera révélée que plus tard. Des retours en arrière permettent d’appréhender les tenants et les aboutissants de l’intrigue, ainsi que la structure sociale et physique de la station. S’il faut s’accrocher un peu au départ, le procédé devient très naturel après quelques chapitres, et on se prend rapidement de passion pour les différentes espèces décrites et les choix de société radicaux qui stimulent la tolérance. Tout cela, cependant, sans que l’autrice s’appesantisse ou devienne démonstrative : le format court de cette collection ne l’autoriserait bien sûr pas, mais on voit surtout que l’équilibre entre détails et conduite de l’intrigue est habilement dosé pour maintenir l’intérêt à la lecture, rebondissements compris. Car la véritable origine de l’hybridation génétique interstellaire pratiquée dans notre petit paradis n’est pas à chercher dans une démarche altruiste… L’écriture d’Audrey Pleynet, en tout cas, respire l’empathie en laissant planer le doute, loin de la description béate d’une utopie fleur bleue.

Et c’est bien là ce qui importe : si les Spéciens cherchent un objet qu’aurait dérobé la protagoniste, il s’agit ici surtout d’un McGuffin qui permet le développement en strates d’un portrait sociétal fascinant et fouillé, porteur d’un message de tolérance par-delà les siècles qui nous en séparent. Même si ladite tolérance est ébranlée par un épisode conflictuel, l’espoir demeure. L’amour, maternel notamment, reste une force incontournable que vient célébrer le rossignol chantant d’À la claire fontaine. Ramassé, puissant, stimulant, Rossignol est une contribution de choix à la science-fiction française par une — relativement — nouvelle voix qu’on a hâte d’entendre encore.

Audrey Pleynet, Rossignol, Le Bélial’, ISBN 978-2-38163-088-5

lundi 15 mai 2023

Pour Traction-brabant 103 : revue Animal, hiver 2022

Animal paraît sur papier chaque hiver, avec une première livraison en ligne chaque printemps. On se concentrera ici pour des raisons de longueur sur les textes hivernaux (sachant que des illustrations sont aussi proposées), mais on ne peut qu’encourager lecteurs et lectrices à se rendre sur le site revue-animal.com pour un intéressant panorama de textes contemporains inédits (et un éventuel abonnement).

« livrer querelle ; à la menthe poivrée, au trèfle ; à pleines mains froisser l’amertume — vert pâle, le velours de la sauge, carrée, sa tige » : pas de doute, la première contribution de la revue, signée Mary-Laure Zoss, nous plonge tout de suite dans la verdure du jardin et dans le thème de ce numéro, le paysage. En travaillant le sol, la poétesse tombe « en arrêt devant la cloche laineuse d’un coprin », distille sa « pensée térébrante » ; elle rend avec rythme et précision ce sentiment d’union avec la terre qui émerge lors d’une séance de jardinage, fût-elle brève.

Étienne Faure, lui, scinde sa contribution en deux : le « côté bêtes » et le « côté planches » (de théâtre). C’est au paysage urbain, parisien qu’il s’attache. Dans son bestiaire, « on ne voit pas si animale ou humaine est la tête qui dégueule depuis Notre-Dame, penchée sur le vide ». Très descriptive, sa prose poétique use d’un beau style aux inflexions très classiques.

Avec Amandine Monin, direction les alpages. Le brouillard préside à ces vers libres narratifs, au plus près des plantes comme des animaux, aux accents parfois tendres, parfois ironiques (« Le serpolet, c’est l’herbe aux fous. / On la ramasse, elle nous ramasse on s’entend bien »). La poétesse cherche au fil des vers « le chemin de sa langue », nous offrant au passage une chronique aux mots pesés et diablement efficaces. Une très belle découverte citée plus longuement dans l’extrait ci-dessous.

Olivier Domerg continue son travail sur le paysage, commencé il y a plusieurs décennies, dans la première partie de sa contribution. On est là à l’apogée de la description, avec une prose où les considérations paysagères se mêlent à la réflexion. La deuxième partie s’interroge sur la forêt, pour conclure : « Et donc, qu’est-ce que la forêt ? / le royaume des brins et des brindilles, / le riche pourrissement des troncs couchés, / le sol jonché par les débris végétaux. » Amateurs et amatrices de descriptions précises s’y retrouveront.

Emmanuèle Jawad rompt avec la prose classique par l’absence de ponctuation et le rythme nerveux de ses textes, regroupés sous le titre « Voie rapide ». Nerveux, mais aussi parfois incantatoire, comme si l’extension de l’urbanité à travers sa mobilité rapide était un paysage désirable, en tout cas inéluctable : « d’entre terrasses et passerelles qu’une sauge non comestible infuse l’air une histoire de surfaces neuves et de côtés si l’on se déplace autour à distance égale le ciel couvre l’une et l’autre provisoirement ».

Michèle Métail conclut la partie hivernale par « La cité millénaire », un texte qui se déroule en suivant un rouleau peint au XIIe siècle en Chine. On s’aventure dans le paysage par les mots ; la lecture n’est cependant pas facilitée par une écriture entièrement en capitales, les courts fragments descriptifs étant séparés par des tirets.

Soutenue par la DRAC Grand Est et la région Grand Est, la revue est impeccablement réalisée et ne propose, comme déjà évoqué, que des textes inédits. Son contenu est résolument divers, ce qui permet de satisfaire les goûts différents en matière de poésie.

Animal. Poésies d’aujourd’hui, hiver 2022 + reproduction de l’édition en ligne du printemps 2022, 153 p., 25 €, ISSN 2803-4902, ISBN 978-2-9581026-0-9.
Cette chronique a paru dans le numéro 103 du poézine Traction-brabant, à découvrir ici si le cœur vous en dit. Merci à Patrice Maltaverne pour son accueil.


Un poème d’Amandine Monin :

C’est l’hiver. Le berger et ses ouailles sont partis.
Seule, une brebis égarée
écoute
le rocher.

Elle attend que le vent se calme.
Elle attend que le berger revienne
écouter avec elle
le rocher.

Elle veille l’autre,
l’autre brebis,
crevée
dans l’eau qu’on a failli boire.

Elle pourrait passer l’hiver,
mon ami dit qu’il en a vu des brebis,
seules,
passer l’hiver sous le tas de neige
et donner vie à l’agneau,
l’agneau qui bondit au bout de quelques jours

Et dans la vallée aussi l’agneau bondit, il bondit
à l’abattoir, le lait coule dans les seaux, il y a de l’argent
et des labels, des cheptels reconnus, des chiens, des
camions, des 4×4, des commissions et des experts.

Il y a des rêveurs dans les villages, sur les sentiers,
des animaux de brume qui le long des ravins remontent,
certains s’étirent, quittent le troupeau, flottent — nuages
sans berger, nuages nuages.

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