Poétesse et comédienne de talent, Rosemonde Gérard n’est pas aussi connue de nos jours que son mari Edmond Rostand, et c’est bien dommage. Elle a, outre à sa propre poésie, travaillé à une passionnante anthologie, Les Muses françaises. Pour celle-ci, elle a écrit le portrait en vers de chacune des femmes citées, sans leur épargner ses éventuelles critiques, ce qui fait de l’ouvrage une lecture à la fois passionnante et didactique.
Le poème ci-dessous est tiré du recueil Les Pipeaux, qui fait la part belle à la description de la nature. Je ne suis pas habituellement un enthousiaste de la poésie que j’appelle « des petites fleurs et des petits oiseaux », mais la facture est ici belle et classique, sent le travail que beaucoup de poèmes contemporains sur ce thème ne fournissent pas… et puis quelle trouvaille que ce dernier vers !
Le rossignol
Quand le Printemps, avec mystère,
Va, semant par toute la terre,
De ses jolis doigts cajoleurs,
Les chants, les parfums et les fleurs ;
Quand sonnent les clochettes roses
Leurs très égayants carillons,
Et qu’autour des premières roses
Volent les premiers papillons ;
Quand l’amour, comme un voleur, rôde,
Tendant ses plus perfides rets,
Le rossignol, dans la nuit chaude,
Chante au fond des sombres forêts.
Susurrant un appel très tendre,
Que l’écho redit dans les bois,
Son chant, le soir, se fait entendre :
Plus doux que le chant d’un hautbois,
Il se glisse sous la ramée,
Colporteur d’un trouble infini,
Et plus d’une oiselle, charmée,
Sans regret déserte son nid,
Pour mieux entendre les roulades,
Les sons perlés, les roucoulades,
Les trilles que tient si longtemps
Le ténorino du Printemps.