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samedi 5 octobre 2024

Ossa di crita

Parfois, en relisant un livre dans le cadre d’un projet particulier, on tombe sur un poème déjà coché et dont l’effet est toujours là, toujours aussi fort. C’est ce qui m’est arrivé avec ce poème de Massimo Barilla, extrait d’Ossa di crita (Os d'argile), publié en 2020. Je n’en mets que la version en dialecte de Reggio de Calabre, mais le livre est bilingue, avec des traductions en italien — les deux textes ont permis les choix pour l’interprétation en français.

lu tempo da sarvizza

Dassa parrari la notti
pi vidiri si veni
lu tempu da sarvizza
a manu chi queta lu ventu
u sonnu chi accarizza

Dassa parrari la notti
lu scuru senza stiddi
e scuta cu li mani
a filu di luci nova
li vuci di dumani

Dassa parrari la notti
mantenici corda e spago
tenila,
supra lu pettu
tenila,
idda non pigghia sonnu
idda non perdi ciatu

Dassa parrari la notti
e serbaci palori scanusciuti
cunsacrati cu acqua
nira di cielu
e sucu di rangi amari

le temps du salut

Laisse parler la nuit
pour voir si advient
le temps du salut
une main qui calme le vent
un songe qui caresse

Laisse parler la nuit
l’obscurité sans étoiles
et écoute avec les mains
au fil de la lumière nouvelle
les voix de demain

Laisse parler la nuit
fournis-lui corde et ficelle
tiens-la,
sur ton sein
tiens-la,
jamais elle ne sombre dans le sommeil
jamais elle ne perd le souffle

Laisse parler la nuit
garde-lui des paroles inconnues
consacrées par l’eau
le noir du ciel
et le jus d’oranges amères

mercredi 16 août 2023

Homo Consumus

Il m’arrive souvent de traduire de l’allemand ou de l’anglais (voire du luxembourgeois ou de l’italien), mais plus rarement de la poésie, et, dans ce cas, c’est souvent pour la publication d’un dossier sur la poésie luxembourgeoise dans une revue. Ici, je m’essaie à une traduction de l’islandais, une sorte de test avant de passer à une littérature plus compliquée. Il s’agit du premier poème du recueil Bónus, d’Andri Snær Magnason. La chaîne de supermarchés Bónus est l’une des plus connues en Islande, son logo en forme de petit cochon rose est une icône, et le livre est une ode à la consommation un rien ironique et plutôt réjouissante. Il a déjà été traduit en français en édition bilingue par Walter Rosselli aux éditions d'En bas. Ma version de ce poème est différente de la sienne, bien entendu ; on peut trouver celle-ci dans des extraits sur l'internet, par exemple sur Babelio.

Homo Consumus

Frumeðli mannsins
var ekki veiðieðlið

í öndverðu
fyrir daga oddsins
og vopnsins

reikuðu menn um slétturnar
og söfnuðu !
Þeir söfnuðu rótum
og þeir söfnuðu avöxtum
og eggjum og nýdauðum dýrum

ég
nútimamaðurinn
sjónvarpssjúklingurinn
finn hvernig frummaðurinn brýst fram
þegar ég bruna með kerruna
og safna og safna og safna…

Homo Consumus

L’instinct primordial des hommes
n’était pas celui de la pêche

jadis
avant les ères fastes
ou guerrières

les hommes parcouraient les plaines
et cueillaient !
ils cueillaient des racines
et ils cueillaient des fruits
et des œufs et des animaux tout juste morts

moi
l’homme des temps modernes
biberonné de télé
sens l’homme des cavernes s’insinuer en moi
quand je fais chauffer le chariot
et cueille et cueille et cueille…