Photo : plaque commémorative à Stromness, dans les Orcades.
Une poésie qui respire les embruns et la rudesse de la mer, l’orge et les récoltes toujours menacées par un climat imprévisible. Une poésie qui, à l’anglais le plus littéraire, mêle l’écossais et les mots locaux d’origine scandinave. C’est un peu comme ça que je vois les écrits de George Mackay Brown (1921-1996), le chantre des Orcades, ces îles tout juste au nord du continent britannique.
Aujourd’hui, les bateaux ravitaillent en continu (sauf en cas de tempête insurmontable…) et le mode de vie jadis typique et isolé des îliens s’apparente à celui de nombreux continentaux. On peut faire ses courses au supermarché Tesco, et rares sont les locaux qui prennent la peine de cultiver un jardin. Les bateaux de croisière aussi abondent, faisant de la petite capitale tranquille des Orcades, Kirkwall, une ruche particulièrement animée lorsque débarquent des milliers de touristes en quelques heures. Un peu plus loin dans l’île principale, Stromness, la deuxième ville de l’archipel, est certes moins visitée. Des pierres levées néolithiques se dressent dans certains champs, préservées par des agriculteurs moins radicaux que ceux qui les dynamitaient il y a quelques décennies. Mais la modernité est là, et les Orcades perdent irrémédiablement de leur charme isolé.
Reste tout de même la poésie de George Mackay Brown, sorte de pied de nez à cette modernité envahissante, glorification nostalgique d’une vie en harmonie avec la mer et les champs durement exploités. Son chef-d’œuvre, Fishermen with Ploughs, publié en 1971, est un des sommets de la poésie écossaise. À lire et à relire après un séjour aux Orcades, pour noyer l’impression de dissolution lente de ces îles dans la mondialisation.
The Collected Poems of George Mackay Brown, John Murray, ISBN 978-0-7195-6884-8
« The Poet », lu par l’auteur ici.
Love Letter
To Mistress Madeline Richan, widow
At Quoy, parish of Voes, in the time of hay:
The old woman sat in her chair, mouth agape
At the end of April.
There were buttercups in a jar in the window.
The floor is not a blue mirror now
And the table has flies and bits of crust on it.
Also the lamp is broken.
I have the shop at the end of the house
With sugar, tea, tobacco, paraffin
And, for whisperers, a cup of whisky.
There is a cow, a lady of butter, in the long silk grass
And seven sheep of Moorfea.
The croft girls are too young.
Nothing but giggles, lipstick and gramophone records.
Walk over the hill Friday evening.
Enter without knocking
If you see one red rose in the window.