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jeudi 18 mars 2021

Voix établies de la poésie luxembourgeoise actuelle

jdp1.jpg, mar. 2021

Je reproduis ici l’introduction du dossier que j’ai rédigé sur la poésie luxembourgeoise pour Le Journal des poètes, vénérable revue belge. Au programme, douze voix contemporaines : Laurent Fels, Nico Helminger, Pierre Joris, Anise Koltz, Miriam R. Krüger, James Leader, Carla Lucarelli, Tom Nisse, Jean Portante, Léon Rinaldetti, Lambert Schlechter et René Welter.


Avec ses 2 586 kilomètres carrés et ses 626 000 habitants, le grand-duché de Luxembourg recèle une richesse poétique insoupçonnée. Indéniablement, sa situation linguistique particulière y contribue : à la maison, Luxembourgeois et Luxembourgeoises parlent… le luxembourgeois, langue germanique ; l’alphabétisation se fait en allemand, puis le cursus scolaire continue à la fois en français et en allemand. Langue orale avant tout, le luxembourgeois, à la faveur d’une standardisation de son orthographe, a commencé à faire son chemin dans la littérature locale. Mais les deux poids lourds que sont le français et l’allemand, qui donnent accès à un public élargi dans les pays voisins, restent des idiomes essentiels. Dans cet aperçu non exhaustif des voix établies de la poésie grand-ducale, pas de traductions du luxembourgeois ; mais la jeune génération s’empare désormais de la langue nationale, et peut-être y reviendrons-nous plus tard.

jdp2.jpg, mar. 2021

Quiconque souhaite entrer en poésie au Luxembourg doit donc le plus souvent choisir une langue d’écriture qui n’est pas sa langue maternelle. Opter pour le français est un symbole de proximité culturelle, car l’allemand est proche linguistiquement du luxembourgeois et a la préférence de la plupart des lecteurs et lectrices du pays. Mais la situation est bien plus compliquée : avec près de 50 % d’étrangers résidents, le pays compte des poètes qui s’expriment en italien, portugais, anglais ou espagnol… et d’autres qui écrivent en plusieurs langues, voire les mélangent. C’est pourquoi on trouvera dans ce dossier deux auteurs traduits de l’anglais – l’un né au Luxembourg et établi aux États-Unis ; l’autre né au Royaume-Uni et exerçant son métier au Luxembourg –, mais aussi une autrice d’origine péruvienne active au grand-duché. C’est en effet une caractéristique essentielle de la poésie luxembourgeoise que de fondre en son creuset les langues et les nationalités d’origine. La diversité qui en résulte est donc à lire dans ces pages, où priorité a été donnée aux voix des poètes.

La majorité des textes confiés au Journal des poètes pour ce dossier sont inédits ; la source d’éventuels poèmes déjà publiés est disponible dans les notices. Pour en savoir plus sur les publications disponibles ou l’œuvre d’un ou une poète en particulier, on se reportera au très complet Dictionnaire des auteurs luxembourgeois du Centre national de littérature, disponible en ligne à l’adresse www.dictionnaire-auteurs.lu.

mardi 26 janvier 2016

Anthologie subjective : Anise Koltz

Au Luxembourg mais aussi dans tout le monde francophone, celles et ceux qui aiment la poésie connaissent évidemment Anise Koltz. Une grande dame qui, du haut de ses 87 ans, fait figure de marraine de la poésie grand-ducale. C’est donc avec beaucoup d’à propos que Poésie Gallimard, pour ses 50 ans, a conçu une anthologie de la poétesse, première Luxembourgeoise à se voir ainsi honorer d’un titre dans cette collection de référence.

Lire la poésie d’Anise Koltz, c’est un peu comme la rencontrer : sous des abords timides dont seule la patience de son interlocuteur viendra à bout, on découvre des perles cachées. C’est elle-même qu’elle met en scène, tout en écrivant ce qu’elle ne saurait dire en public, avec force métaphores et images décalées. Ses poèmes sont courts et disent beaucoup en peu de mots ; presque des aphorismes quelquefois, tant la puissance d’une idée s’accole à une forme concise mais gratifiée d’un fin polissage pour la rendre terriblement efficace.

Avec Anise Koltz, pas de poésie expérimentale ou de variations infinies des formes : depuis son premier recueil, en 1966, elle a gardé un cadre relativement fixe mais sait y exprimer une large palette de thèmes, dont certains récurrents comme la mère, son époux décédé ou sa fascination pour la nature et les astres célestes. Tout cela sans qu’une fois le lecteur se lasse.

Un recueil essentiel chez Gallimard donc pour un aperçu de 50 ans de poésie, qui n’empêche pas de se plonger avec bonheur dans les éditions originelles des livres d’Anise Koltz pour encore plus de plaisir.

À lire aussi, mon article pour le woxx qui rend compte d’un récent entretien avec la poétesse luxembourgeoise.

Somnambule du jour, Poésie Gallimard, 2016


Mon langage
installé de longue date
comme le port d’Alexandrie
est marqué de commerce
il sent la contrebande

extrait de S’adonner au silence, 1983.

Chaque matin
après lui avoir brossé les ailes

Je range mon ange gardien
dans le placard

extrait d’Un monde de pierres, éditions Arfuyen, 2015.

lundi 12 octobre 2015

Anthologie subjective : Pierre Joris


Image : Frédéric Bisson, flickr, CC-BY-2.0

Pour écrire sur un poète, rien de plus simple pour se documenter : il suffit de lire (ou relire) ses livres. C’est ce que j’ai donc fait pour Pierre Joris (l’article est là). Belle occasion donc de le citer ici aussi. Mais comment choisir, pour ajouter quelques vers à ce site dans la rubrique « anthologie subjective », parmi une production pléthorique et en général assez diversifiée ? Je me suis décidé pour deux courts poèmes lus dans l’anthologie Poasis, qui regroupe des poèmes que Pierre a écrits entre 1986 et 1999.

 

Il m’a semblé que cette courte page était plutôt caractéristique de son travail : lignes courtes, composition parcimonieuse des vers sur la page, phrasé sec et direct, vocabulaire sans fioritures, coupures d’accentuation. On ne rentre pas sans effort dans la poésie de Pierre Joris mais, une fois entré, on ne la quitte qu’à regret.


2 Poems for Pens


I.


black & blue
the inks mix
sky at five o'color
a fountain
pen like a big
beaked bird,
            childhood
games & smells


2.


                            I see the pen
poised, the shadow it throws,
the indents in the wooden
underbelly below the nib,
like sharkgills,
               the meat eating
metaphor
i.e. writing instrument.