Les éditions Albin Michel Imaginaire ont pris la (bonne) habitude de précéder la sortie de nombre de nouveaux livres par une nouvelle de l’auteur ou autrice concernée en version numérique gratuite. C’est dans ce cadre que sortira, le 30 décembre, Noir est le sceau de l’enfer, de Jean-Laurent Del Socorro, avant que le 18 janvier paraisse Morgane Pendragon. Avant donc une chronique sur celui-ci, parlons de celui-là, d’autant que, à cette époque de l’année, un cadeau ne se refuse pas.
Noir est le sceau de l’enfer se situe dans le même univers que Du roi je serai l’assassin, pour celles et ceux qui en avaient apprécié la lecture (dont je suis). Partant, la longue nouvelle déploie un mélange de roman historique, d’histoire de cape et d’épée et de récit magique. Ici, on suit les aventures d’Axelle (découverte dans Royaume de vent et de colères), la capitaine noire de la compagnie du Chariot, faite prisonnière lors d’une bataille où elle officiait comme mercenaire pour le compte de la Ligue catholique espagnole contre le roi Henri IV. Afin de libérer ses lansquenets, elle accepte une mission — cette fois pour la couronne de France — qui la mène en Grande-Bretagne et en Irlande pour retrouver un objet magique. Celui-ci a notamment permis la victoire anglaise contre l’Invicible Armada. Univers partagé oblige, ce « sceau de l’enfer » est fait d’Artbon, la pierre magique présentée dans les autres romans précités. Dans sa quête, Axelle sera assistée par Francis Drake et Walter Raleigh. C’est une constante que de rencontrer des personnages historiques dans le récit, ce qui l’ancre dans une certaine réalité, pose des repères et contribue à agripper lecteurs et lectrices en faisant appel à leurs connaissances préalables. Jean-Laurent Del Socorro sait doser son cocktail entre fantasy et histoire… et propose même sa propre version de l’assassinat de Christopher Marlowe. Un Marlowe dont la pièce inédite Le Roi de jaune vêtu est évoquée, reliant Socorro à Robert W. Chambers (The King in Yellow) et la fiction à la réalité (et vice-versa).
Il ne faudrait pas croire que l’intertextualité est le but de l’ouvrage, cependant. Il constitue d’abord un bonus qui comblera connaisseurs et connaisseuses sans rebuter les autres. Le style efficace, fait de courtes phrases, de descriptions allant à l’essentiel et d’action bien menée, rend la lecture particulièrement agréable. Tout comme le féminisme non ostentatoire mettant en scène une femme noire à la tête d’une compagnie militaire au XVIe siècle (divulgâchage : là, ce sera un trait fondamental de Morgane Pendragon), et l’utilisation mesurée de la magie, qui place la nouvelle dans le registre de la fantasy historique. Récit de cape et d’épée avant tout, cependant, Noir est le sceau de l’enfer ravira aussi les enthousiastes des Trois Mousquetaires. C’est aussi une parution maligne qui donne envie de se frotter, si on ne l’a pas déjà fait, aux autres livres du même univers. Bref, un joli cadeau avant la parution du nouveau livre de Jean-Laurent Del Socorro en janvier ; il en sera question dans ces colonnes sous peu.
Jean-Laurent Del Socorro, Noir est le sceau de l’enfer, livre gratuit en version numérique, disponible le 30 décembre via Albin Michel Imaginaire et sur les sites de livres numériques ; la version papier est disponible auprès de l’association Didaskalie