monstrueuse.jpg, sept. 2021

Un conte pour adultes « aux frontières de l’onirisme et de la psychiatrie », m’avait écrit Laurent Pépin en me contactant pour connaître mon intérêt éventuel pour la recension de Monstrueuse Féerie, paru en octobre dernier chez Flatland. Le texte est « teinté de pataphysique, de psychanalyse, de poésie et d’humour noir », avait-il ajouté. Une sorte d’objet littéraire non identifié où la poésie est présente ? Voilà de quoi piquer l’intérêt, et parler – ce qui est ici relativement rare – d’un livre qui n’est pas un recueil de poèmes. Si la poésie n’y apparaît pas formellement par des retours à la ligne (excepté un court extrait du « Je voudrais pas crever » de Boris Vian), elle est néanmoins bien présente dans l’intrigue, puisque le narrateur, psychologue dans un centre psychiatrique, et plus précisément dans le « service pour malades volubiles », y pratique avec ses patients la « décompensation poétique ». Des patients qu’il préfère d’ailleurs appeler des « Monuments », la capitale matérialisant leur importance dans le récit, tout comme elle le fait pour les « Monstres » issus de l’enfance, et surtout l’« Elfe », jeune femme avec qui il entamera une relation ambiguë. Poésie dans l’intrigue, donc, mais dans une certaine mesure aussi dans le style, avec des images oniriques de créatures fantastiques, des souvenirs tordus d’enfance, des délires à la lisière du surnaturel où des réminiscences de Harry Potter rencontrent des tableaux surréalistes. En imbriquant flash-back qui évoquent l’origine des Monstres et histoire d’amour singulière avec l’Elfe, le tout dans un contexte de centre psychiatrique qui tape sur le système, Laurent Pépin brouille les pistes du réel et propose une plongée dans le cerveau de son narrateur (son propre cerveau ?). Celle-ci, tantôt grotesque tantôt tendre, ferait les délices d’un psychanalyste, c’est certain. Se contenter de la lecture sans prétendre à l’interprétation projette déjà dans un univers où l’excitant imaginaire prend le pas sur le banal quotidien. L’expérience mérite d’être tentée et ne saurait laisser indifférent.

Laurent Pépin, Monstrueuse Féerie, Flatland, 978-2-490426-12-6