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mardi 1 mars 2022

Les Petites Lumières bleues + Comportements du doux

Mon récent Mélusine au gasoil fait partie des premières publications des éditions Facteur Galop. Il serait plus juste de parler de tournée, d’ailleurs, puisque le principe de ces sympathiques éditions est basé sur une souscription qui permet de recevoir trois exemplaires de chaque titre publié dans un lot. On peut ensuite les « semer » où l’on veut : envois à la famille, aux amies et amis, distribution dans un lieu public ou lâcher en rase campagne en espérant que quelqu’un s’y promène et empoche le ou les livres… tout est possible et souhaité, tant que la « valeur marchante » est respectée. Cette chronique-minute a pour but de mettre en lumière sur ce site les compagnons de Mélusine, donc. Tiens, commençons alors par Les Petites Lumières bleues, de Corinne Guerci. Il s’agit là de dialogues entre une mère et son fils, empreints d’amour, parfois amusants et parfois banals comme il se doit entre ces deux êtres, sauf que. On apprend dans la dédicace, puis la biographie de l’autrice, que ces saynètes sont à la mémoire de son fils Bastien, décédé à 21 ans d’un mélanome. S’ensuit alors une autre dimension de lecture qui force quasiment à reprendre du début – le livre fait, comme tous ceux de l’éditeur, 32 pages : on imagine que le format où rien ne figure sur la quatrième de couverture a presque dicté cette stratégie, qui porte bel et bien ses fruits. À la relecture, une nouvelle dimension s’installe et l’émotion devient parfois envahissante. C’est alors la sagesse de ce fils disparu qui frappe, comme si son autrice de mère allait puiser dans l’écriture la clairvoyance nécessaire pour mener sa vie, hors de tous les abrégés de développement personnel. Lucide, il l’est sans appel : « ma nuit sera éternellement jeune ». Tous les livres du Facteur Galop comprennent aussi une interview à la fin ; Corinne Guerci a parlé à Jean-Luc Parant, artiste plasticien et prolifique écrivain et poète. L’autre livre de la tournée est Comportements du doux, d’Amélie Bertholet-Yengo. Ici, l’autrice entend assouvir sa passion pour le doux, l’analyser, la coucher sur le papier. Les racines indo-européenne et grecque du mot sont convoquées, tandis que les références littéraires fusent de Corneille (grâce au Littré) à Aya Nakamura et que des définitions scientifiques et philosophiques sont dispensées. Et puis la doudou antillaise arrive, avec précaution, car il ne faudrait pas donner dans les clichés. C’est alors que le propos prend son envol et dénonce l’érotisation des femmes noires, suppute la résistance nécessaire dans une société encore rigide : « comment déconstruire la figure de la doudou-Madras-Cocagne ? » Avec son écriture au fil de la plume, capturant des pensées qui essaiment, interviewant en fin d’ouvrage sa colocataire Hélène dans une atmosphère bon enfant, l’autrice parvient à écrire un minitraité bien documenté qui ne néglige pas l’humour et se révèle combatif en une vingtaine de pages. C’est d’ailleurs une autre caractéristique de tous les livres du Facteur Galop : leur concision en fait des volumes… plus grands à l’intérieur !

Corinne Guerci, Les Petites Lumières bleues, Facteur Galop, ISBN 978-2-493673-00-8
Amélie Bertholet-Yengo, Comportements du doux, Facteur Galop, ISBN 978-2-493673-02-2

À noter qu’une très intéressante émission de Radio Canut a été consacrée à cette première tournée, disponible ici.

jeudi 24 février 2022

Nouveau livre : Mélusine au gasoil

Vous pensiez que Mélusine, au grand-duché de Luxembourg, battait de la queue bien tranquille dans l’Alzette depuis le Xe siècle ? C’était sans compter sur la crue centennale de juillet 2021. Mélusine au gasoil revient sur cet événement en mêlant poésie, histoire, géographie et science… pour l’amour d’une sirène, même à l’odeur écœurante.

En fin de livre, une courte interview avec Pierre Joris.

Mélusine au gasoil, éditions Facteur Galop, février 2022, ISBN 978-2-493673-01-5


dans le parc parfois
je parle à Mélusine — elle a
toujours un bon mot, une parole
réconfortante, une voix flûtée
de personnage de légende
    qui couvre
le bourdonnement des voitures
parcourant sempiternellement
la côte d’Eich toute proche ;
elle souffle une brise légère qui
dissipe les vapeurs de gaz d’échappement

dans le parc on marche, on
oublie la ville & les pipelines &
le nation branding (le Luxembourg, ses forêts, sa gastronomie) ; on envie
le comte Sigefroi (v. 922-998)
d’avoir pécho une si belle
sirène : on ne l’aurait pas épiée à la
dérobée, nous, on l’aurait gardée
auprès de nous pour toujours
respectant son intimité hebdomadaire. les
légendes donnent l’assurance de
se comporter en gentleman
        pas de #metoo
    non, #notme
Mélusine, je suis le poète poli
policé même, qui ne te touchera pas
    ne regardera pas ta queue
dévoilée au bain
un samedi
    tant pis pour le comte
    qui a rompu sa promesse