« Il faut tenir son journal de confinement, et il doit vite se distinguer des milliers ou millions de journaux de confinement. Un spasme qui cherche une validation éditoriale quand un Français sur trois affirme avoir le désir d’écrire un livre. » Pour Christophe Esnault, nul besoin de validation éditoriale, au vu de sa bibliographie déjà bien fournie… et en plus, il a l’élégance de servir son journal de confinement après un certain temps, hors de la hâte qui a vu beaucoup des aspirants à l’écriture qu’il égratigne se précipiter vers les éditeurs comme des moustiques sur une peau bien tendre. Se distingue-t-il, alors ? Oui, assurément ! Les saynètes que Christophe offre dans Hilarité confite, loin de s’ancrer simplement dans un réel bousculé par l’absurde — tout le monde en a fait l’expérience, ce serait redondant —, sont autant de microcontes parfois surréalistes, parcourus par un humour aux allures de sérieux diariste. Le premier texte voit le narrateur piquer le caducée d’un médecin pour profiter de l’aura accordée aux soignants : il y a de la révolte dans ce petit livre, de la révolte de gilet jaune assumée, une envie de damné de la terre de clamer son existence et de mettre fin aux privilèges. Que s’est-il donc passé pour que le narrateur saute le pas ? « Habituellement, les gens ne font rien de leur vie, maintenant ils le savent », pardi. Sous la surface amusante d’historiettes de confinement pulse la mise au jour des entraves sociétales qui s’exercent en permanence, qu’on soit enfermé chez soi ou pas. Peut-être avec un brin de masochisme : « Je cherche les policiers de ma ville, je souhaite qu’ils me contrôlent, je n’ai pas d’attestation pour circuler, on devrait réussir à s’entendre. » L’auteur enfonce le clou dans Cas contact de cas social, qui suit, en brossant le portrait d’individus face au virus, en toute inégalité. Si l’humour reste le fil conducteur du livre, on ne peut s’empêcher quelquefois de rire jaune (comme la couleur de la couverture). Heureusement, l’écriture sociale de Christophe, comme à son habitude, se/nous morigène avec le sourire, atténuant les égratignures qu’elle inflige grâce à un solide sens de la dérision.

Christophe Esnault, Hilarité confite, suivi de Cas contact de cas social, Cactus inébranlable éditions, ISBN 978-2-39049-076-0