ange.jpg, nov. 2021

Prolifique en revues, Thomas Pourchayre n’a que récemment publié son premier livre, qui se trouve être, aux éditions Gros Textes… Le Dernier Livre du monde ! Si ce dernier (oui, le mot est choisi) est à recommander, la présente chronique-minute évoquera un autre titre, Ève et l’Ange, une nouvelle parue cet été. Il me semble que cet ouvrage est très représentatif de la manière de Thomas, avec une véritable poésie dans l’écriture combinée à un imaginaire foisonnant, le tout agrémenté d’une dose d’humour subtil. Le prologue installe l’histoire d’Ève et de l’ange dans le récit d’un père à sa fille, se revendiquant ainsi du conte de fées. Conte un peu pervers, puisque la jeune femme découvre chez l’ange au sortir du bain (dans une de « ces baignoires / converties en abreuvoirs à vaches dans les champs », tout de même) une paire de testicules. « Du tout ! / C’est… un papillon ! / Enfin… c’est son cocon ! / Dites… Vous avez vu mon arc et mes flèches / et mes cuissots joufflus et mes joues fessues ? » : las, pas moyen de biaiser, Ève n’est pas née de la dernière pluie. Elle recueille l’ange pour un ménage mixte terre et ciel, et ce qui devait arriver arrive. « l’auréole de l’ange trépigne / les deux aréoles satellitent hésitent sur le sens / de leur révolution » ; ce n’est pas divulgâcher que de révéler que les deux vont coucher ensemble. Ce qui compte, c’est l’évolution de cette relation entre deux êtres, cette découverte de lui-même que l’ange fait au contact d’une jeune femme ni innocente ni délurée. La plume de Thomas frôle les corps, caresse comme avec des ailes d’ange, envoie des piques par moments. Le conte philosophique et érotique se teinte de poésie, et vice-versa, puis « un ange passe encore / et sans doute bien d’autres après / un nombre d’or certain et angélique d’anges / à endormir un troupeau de moutons / sans autre occupation que de brouter des mégots / sur un austère parking de goudron mièvre ». Peu de pages, beaucoup de… béatitude, ange oblige !

Thomas Pourchayre, Ève et l’Ange ou la Gravité négociable, éditions Abstractions, 978-2-492867-16-3