grissauvages.jpg, août 2020

Parce qu’Emmanuelle me l’a offert, parce que c’est un très beau petit livre, parce que ce n’est pas de la poésie classique — mais bien visuelle ! — et qu’il faut un peu de diversité sur ce blog : dans la toute nouvelle collection « Carré noir » chez Jacques Flament, je demande Gris sauvages. C’est Charles Baudelaire, cité d’emblée, qui préside aux balades d’Emmanuelle Rabu dans « les futaies, les taillis et les marais » ; on pourrait rêver pire guide, qui plutôt que vers inspire ici des photographies en noir et blanc au délicat moiré (je rechigne à employer le mot flou, tant le parti pris est celui d’une netteté alternative, plutôt). La réalité derrière les clichés a beau être connue, végétale, aquatique, c’est évidemment à une interprétation personnelle que la photographe nous invite : le reportage hyperréaliste est loin, la poésie affleure donc. Mais après tout, à quoi s’attendait-on d’autre, venant d’une poète ? Fleurs d’ailleurs, qui se transforment en lustres, et puis traits de lumière qui transportent dans un autre monde, au-delà de notre petite planète, ou alors ces réminiscences de Klimt en page 51 ou impressionnistes en page 60 : les images sont autant de starting-blocks pour l’inspiration, comme si elles ne demandaient que de se voir rehausser d’une poésie, écrite, elle. Mais non ; Emmanuelle les offre brutes, parce qu’elle ne les analyse pas. Elle se « contente d’écouter en lisière, le cœur battant ». Ce sont presque les seuls mots de ce livre, qu’on pose, qu’on reprend, qu’on pose, qu’on reprend, qu’on pose… excusez-moi, j’y retourne !

Emmanuelle Rabu, Gris sauvages, Jacques Flament alternative éditoriale, ISBN 978-2-36336-440-1.