Vient de paraître aux éditions Phi : Flo[ts], récompensé par le premier prix du Concours littéraire national du grand-duché de Luxembourg. Dans ce recueil, j’ai voulu évoquer l’histoire de notre planète, parcourant les millions d’années, jusqu’à l’avènement de créatures dont certains pensent qu’elles sont l’avenir de l’humanité. C’est pourquoi on y trouvera pêle-mêle des alexandrins, des octosyllabes, des rimes riches et pauvres, féminines et masculines, mais aussi des vers libres, des acrostiches, des constructions de phrases avec du gras dans les poèmes ou bien des petites capitales qui tiennent lieu de titre, mais aussi des poèmes avec de véritables titres, des poèmes courts et des poèmes longs, enfin toute une diversité poétique qui représente le monde tel qu’il a été, qu’il est ou qu’il sera. Vaste programme, oui, mais l’avantage du poète est qu’il n’a aucune prétention à l’exhaustivité.

Ces Flo[ts], ce sont évidemment ceux de l’Alzette qui coule près de chez moi, mais ce sont aussi ceux de la Méditerranée où se passent des choses effroyables, ou ceux des fjords norvégiens troublés il n’y a pas si longtemps. Parce que la guerre et les massacres sont dans ce livre, bien sûr, puisque l’espèce humaine ne sait pas y renoncer. Mais on y trouvera aussi l’optimisme de la nature, des « choses » personnifiées qui veulent communiquer leur joie de vivre et nous faire cadeau des leçons qu’elles ont tirées de leurs vies parfois mouvementées, parfois aussi tranquilles que les flots des rus qu’elles bordent. Les fleurs vous parleront, les pierres aussi. Saurez-vous écouter leur message ? Cependant, je l’espère, aucun écologisme benêt dans ces lignes. La poésie n’a rien à imposer : seul le lecteur y décèle ce qu’il lui convient de déceler. Le poète ne peut que guider ceux qui veulent tenter l’aventure des mots.

Et puis ça encore : dans la précipitation pour publier le recueil avant les Walfer Bicherdeeg, je n’ai pas fait pour moi-même ce que je fais pour les autres, me concentrant trop simplement sur la mise en page des poèmes. Erreur d’un débutant pour son premier livre publié. Alors, le correcteur que je suis assume entièrement la responsabilité des coquilles des pages 15, 19, 62, 88 et 102. Il était trop tard pour les corriger lorsque j’ai relu le texte de manière « technique ». Les autres (si je n’en ai pas oublié, bien sûr) sont volontaires, notamment l’absence de trait d’union dans certains mots composés. J’espère pourtant que, pour les lecteurs pris dans les vers, elles passeront inaperçues en grande majorité.

Voilà, quelques mois de travail s’achèvent maintenant. Place aux lectures qui viendront bientôt, et place aux lecteurs.

Flo[ts], éditions Phi, ISBN 978-99959-37-19-5. Dans les librairies au Luxembourg, sur le site de Phi et en commande ailleurs.


C’est le bruissement des ailes
qui m’éveille à l’aube. Ses pattes
regorgent déjà de mon pollen
Le NECTAR est un vin doux
dont les vendanges s’étalent
et qui déchaîne les caractères industrieux

Enivrée de passion, l’abeille
virevolte et entame
un tango à six pattes
avec mon pistil. Astor Piazzolla
lui-même y préside
acclamé des étamines
pâmées devant la sensualité
d’une danse qui pourtant n’appelle
que le mouvement des cœurs
Serait-ce alors Carlos Gardel
qui susurre sa mélopée envahissante
à travers mon champ ?

Fi du maître argentin
l’abeille titube — bat des ailes
d’un mouvement inégal
overdose de plaisir indicible
Se retourner est une gageure
Partir pour la ruche un déchirement
Justement la ruche :
où peut-elle bien être
dans ce lac de volupté liquide
épicé au lait d’ânesse de Cléopâtre ?

Tout dard sorti — antennes déployées
elle cherche à s’élancer
tournoie en mon sein puis
au-dessus un moment
pour retomber dans la caresse. Accalmie
Je fais de l’effet, moi !
Elle tremble encore de son envol
Ma sève n’en revient pas
d’avoir apporté de si bas
un tel concentré de délectation.