vauvert.jpg, avr. 2020

Qui diable est Vauvert, ouvrier poète qui publie aux éditions strasbourgeoises Sottobanco ce journal intime poétique en deux volumes (pour l’instant), « Mordre » et « Jouer fleur » ? Un écorché de la vie… mais pas trop, assurément, à en lire ces deux petits livres de 36 pages qui, coronavirus oblige, ne peuvent pas se passer de la main à la main sous le manteau – on imagine que c’est ce que l’auteur avait espéré, au vu de ce qu’ils contiennent et de leur format, et puis le dépôt du livre est annoncé comme « illégal ». Alors ils sont offerts en numérique, le temps que les choses retournent à la normale sur simple demande en contactant l’éditeur (qui pourrait bien être le poète, non ? mais n’en révélons pas trop). Que les choses retournent à la normale, ce n’est d’ailleurs peut-être pas exactement ce que voudrait Vauvert, et on lui en sait gré. Et pour cause : dans ces écrits répartis à part pratiquement égale entre poésies, aphorismes (« Mythe. / Les louves font des louveteaux / Et mordent pendant l’amour. ») et textes courts, il fustige gentiment l’époque et s’y pose dans sa différence. Si j’ai employé plus haut l’expression « un écorché de la vie… mais pas trop », c’est qu’il ressort de ces vers, de ces phrases, que le poète n’est pas entièrement à l’aise dans son époque, mais qu’il ne la renie pas toutefois. On le ressent dans le style, où les métaphores côtoient des piques de langage plus familier, mais sans pousser trop dans cette direction. Mais aussi dans les thèmes, qui piochent dans l’imaginaire pour s’éloigner du quotidien. Nous voici loin de la poésie qui se regarde elle-même, fût-ce en chien de faïence aux crocs dégagés. La poésie de Vauvert se projette, et loin encore, s’il le faut : « Elle a brûlé le reste de vie qui me restait. / Sa sueur c’est du sexe en cash. / Je m’endors au sein, nu / Le regard fixé sur une planète qui n’existe pas. / Dire l’heure me semble infaisable. » On y goûte l’amour, on y converse avec monsieur le maire, on sourit aux aphorismes tendres, on coud, on brode, et littéralement, pas seulement en image… Tout ça est frais, sans prétention, sans posture. De la poésie légère et distrayante sans forfanterie. Qu’est-ce qu’on en a besoin, parfois !

Vauvert, Brûler la vie. Parler debout. Jouer fleur, ISBN 9782957203314
Vauvert, Brûler la vie. Parler debout. Mordre, ISBN 9782957203307


J’ai envie de lire un poème
Qui me donne envie d’écrire
Le genre qu’on ne lit qu’une fois
Et qu’on enterre au fond du jardin
Qu’on garde pour soi
Qu’on veut garder intact
Et qu’on refuse de voir noyé dans un livre.
Certains textes méritent d’avoir un livre pour eux
Avec mille pages devant et mille pages derrière
Blanches, taillées comme des gardes du corps.