Et hop ! il a sauté la grande flaque. La dernière fois que j’ai chroniqué un recueil de Seream, ce dernier habitait encore en Haute-Savoie, et le voilà désormais installé dans les plaines du Manitoba : « Winnipeg accouche d’artistes / une ville sans artiste ça n’existe pas / comme une ville sans banque / dire qu’il existe des banques d’artistes ». Il s’y sent bien, à Winnipeg, le poète… et artiste bien sûr, qui dit que la ville le « façonne », le « sculpte », l’« allume ». Il y a posé ses valises et s’est précipité dans les scènes littéraire et théâtrale du lieu, dont les plaques d’immatriculation portent la mention « Friendly Manitoba », ce qui lui « rendrait presque les automobiles sympathiques ». On trouve dans Mont Blanc-Winnipeg Express une compréhensible nostalgie des Alpes, un aller-retour mental entre ici et là-bas, la construction d’une identité américaine, mais aussi le roman en poésie d’un amour naissant pour un nouveau territoire. D’ailleurs, « un battement d’aile de papillon à Winnipeg / peut-il créer une catastrophe naturelle dans les Alpes ? » En tout cas, le livre de Seream crée un pont littéraire et offre la découverte, quel que soit le côté de l’Atlantique où se trouvent les mains qui l’ouvriront (la maison d’édition assure les envois en Europe, et une version électronique est disponble). Avec toujours son rythme, son humour, sa fidélité aux personnes et aux idées, parce qu’on ne change pas un poète en le déplaçant. On le nourrit. « Gabrielle Roy / descend de sa Harley-Davidson / engin sur la béquille / tenue cuir intégrale » : attention, même la légende des lettres locales (première lauréate étrangère du prix Femina, en 1946) va swinguer au rythme de la poésie express mais pas épaisse de notre ex-Alpin et désormais Manitobain. Merci l’artiste !
Seream, Mont Blanc-Winnipeg Express, éditions du Blé, ISBN 9782924915332