troubadour.jpg, déc. 2021

« Plus tard je serai troubadour. / J’ouvrirai ma boîte à poèmes / sur la place du village / et lâcherai les mots / à faire danser les cigales / dans les mûriers / sur la tête à mémé. » Dès le début du recueil, on est pris par la voix de Claire Vernisse : avec une jubilation certaine, elle chemine dans sa roulotte, accroche de temps en temps son « hamac de mots », en véritable « derviche / de la terre du dessus / et de celle du dessous ». Le trobar est là ; le chant n’est jamais loin. La poésie itinérante se pare de courts textes en vers libres autant que de proses poétiques ou de proses tout court (dont une amusante anecdote d’enfance sur le foot — l’humour est bien présent tout au long du livre), voire d’alexandrins (peut-être, s’il faut en mentionner une, justement la petite faiblesse, la rythmique classique prenant alors un peu trop le pas). Deux parties — « troubadour, prophète » et « ermite ou moine errant » — pour un voyage où les sirènes, les princes et les fées s’invitent tandis que la garrigue constitue un socle de senteurs, de saveurs et d’expériences sensorielles qui ancrent la poésie dans la terre, sur des « pieds / qui puent d’humanité ». Plus tard, je serai troubadour, prophète, ermite ou moine errant est un recueil qu’on lit avec le regard espiègle communicatif de l'autrice, emporté qu’on est dans un univers où la violence du quotidien cède le pas à la contemplation, même si de petites touches de « non essentiel » viennent rappeler que la poésie n’est pas déconnectée du monde ni de ses crises. Mais celles-ci restent subtilement suggérées : « Après humain / j’essaierais bien oiseau ». Les éditions Jacques Flament, qu’amatrices et amateurs de poésie n’identifient pas toujours à leur genre de prédilection, ont un catalogue où les vers et les strophes sont de qualité : ce titre en est l’exemple.

Claire Vernisse, Plus tard, je serai troubadour, prophète, ermite ou moine errant, éditions Jacques Flament, 978-2-36336-502-6