attrape-soleil.jpg, déc. 2020

« Tu attends, couchée, que j’aie achevé mon méfait. // Nous faisons l’amour dans des voitures volées / de préférence rutilantes à intérieur cuir. » Morten Søndergaard a l’art de planter une ambiance dès les premiers mots. Caractéristique d’un bon poète, direz-vous ? Je ne trouve pas : on peut parfaitement choisir de ne révéler qu’au compte-gouttes, et c’est très bien aussi. Mais le poète danois est cash, il ne s’embarrasse pas de verbiage. Ainsi de cette lettre à Miss Univers pour lui dire que c’est elle la perverse plutôt que lui le voyeur, car elle « [croit] vraiment que la beauté vient de l’intérieur ». C’est un humour subtil ainsi qu’un œil aiguisé qui sous-tendent la poésie de Søndergaard, laquelle navigue entre les formes et entre les sujets avec une aisance parfois un peu intimidante. Fleur bleue (« Sous terre à / la station Nørreport des baisers planent / en tournoyant sur les quais »), mélancolique avec une dose d’auto-ironie (« Je trimballe le nom de Morten / les gens sursautent quand je dis mon nom. / La morte disent-ils tout bas en reculant »), tendre, combatif… le recueil L’Attrape-soleil est une balade dans les rêves danois (oui, je revendique l’allusion au livre de Peter Hoeg !) stimulante, tant l’auteur sait se renouveler et susciter l’intérêt. « Le danois est une langue sauve / si suave qu’elle fond dans les livres. / Il faut conserver les livres danois au réfrigérateur », écrit-il dans le poème « De plus en plus de Danois ». Nul doute que la traduction rend justice au métier du poète, mais après lecture du recueil, on aimerait tellement pouvoir le lire en version originale.

Morten Søndergaard, L’Attrape-soleil, traduction de Christine Berlioz et Laila Flink Thullesen, éditions Joca Seria, ISBN 978-2-84809-329-1