Fidèle à Cormor en nuptial, Heptanes Fraxion envoie la sauce à nouveau dans un deuxième recueil — si on ne compte pas la plaquette parue entre-temps : c’est qu’il en a, des publications à rattraper ! On y retrouve évidemment avec plaisir les vies tourmentées des personnages qu’il scrute à la loupe de son empathie, lui qui est « sensible comme un quartier ». Mais on y découvre aussi le personnage Fraxion plus en profondeur, dans une série de poèmes où il semble se livrer plus, plutôt que de se cacher derrière ses créatures poétiques, avatars évidents de rencontres en tous genres. Le voilà donc qui évoque son géniteur : « tout l’intéresse mon père / tant que je ne lui parle pas de moi ». Au ton, on sent qu’ici l’homme perce sous le poète, que les vers deviennent documentaires. Ou bien est-ce l’art de l’écrivain ? Peu importe, parce qu’on aime en apprendre un peu plus sur Heptanes, dont plusieurs textes de ce recueil finissent comme une confession en filigrane : « t’es un mec du XXe siècle toi / les vidéo-clubs te manquent beaucoup » ; « t’es une meuf du XXe siècle toi / t’as parfois besoin de regarder des merdes à la téloche » ; « t’es un mec du XXe siècle toi / tu rêves de slows et de machines à écrire ». Oui, on l’imagine bien en mec du XXe siècle, ce poète qui a investi les réseaux sociaux et l’espace public avant de publier sur papier. Et peu importe si c’est une projection de lecteur qui s’identifie, parce que la poésie est belle quand elle suscite ainsi des images. Les dessins de Wood répondent cette fois encore aux mots, dans un format poche qu’on pourra emporter partout et même offrir ou prêter, parce que faire du prosélytisme pour Heptanes Fraxion, c’est une excellente idée.
Heptanes Fraxion, C’est la viande qui fait ça, éditions Cormor en nuptial, ISBN 978-2-9602243-7-5