Avant d’ouvrir le recueil, difficile de comprendre l’intelligente polysémie du titre : Les Heures de battement, ce sont bien sûr ces trous dans un emploi du temps qu’affectionnent tous les collégiens et lycéens ; mais au fil des pages, on découvre que ce sont aussi des heures… où le cœur bat, tout simplement.

Alissa Thor nous propose donc une cinquantaine de poèmes courts qui sont autant d’hymnes à l’amour, où le je poétique entonne les louanges d’un tu aimé, voire quasi vénéré pour certains textes : « Comment / Ne pas croire / Que ta beauté est / Céleste /  Quand au matin / Je retrouve / Une plume / Piquée / Dans l’oreiller ? » Mais n’allez pas imaginer que l’ensemble soit mièvre ou fleur bleue, même si l’auteure avoue avoir toujours « Au fond / Des poches / Des mots / De papier / D’amour ».

Ici, pas de louanges éthérées des petits plaisirs et des petites joies anodines sous forme de métaphores savamment distillées. Alissa Thor, au contraire, privilégie un vocabulaire direct et des images fortes, parfois rentre-dedans. Il y a des os à ronger, des diables, des bringuebalements dans ses vers, et si un poème s’aventure dans l’onctueux (« Canne à sucre »), c’est qu’il évoque la pression chronophage qu’une époque folle nous impose : « Je sors / Le monde / De son papier / Sulfurisé // Je casse / Des petits / Carrés / Réguliers / Que je fais fondre / Un à un / Sous la langue // Pour gagner / Du temps ».

Eh oui ! le temps qui compte, c’est celui passé avec cette autre qui fait battre le cœur, bien sûr. Celle dont on apprend qu’elle est femme au détour d’un accord, mais dont on ne saura pas beaucoup plus, tant le recueil reste centré sur ce je poétique. Un alter ego de l'auteure qui manie avec aisance des mots simples, mais qui sont autant de flèches atteignant leur cible. Dans leur concision, leur construction et leur style direct, ces poèmes ne sont pas sans rappeler ceux de la grande Anise Koltz, lorsqu’elle évoque par exemple le souvenir de son mari. Pour un premier volume publié, la référence est certes flatteuse, mais méritée.

Alissa Thor, Les Heures de battement, éditions de l’Aigrette, 54 pages, ISBN 978-2-9552041-8-4, 13 euros