
Philippe Colmant continue son chemin aux éditions Le Coudrier, y publiant avec Verso de l’ombre son cinquième recueil personnel depuis 2023 (certains ouvrages ont du reste été évoqués ici même ou sur D’ailleurs poésie). Les poèmes rassemblés dans ce volume, comme souvent chez l’auteur, découlent d’une interrogation aussi simple dans son énoncé que complexe dans la réponse qu’on peut lui apporter : que se cache-t-il derrière l’ombre ? La lumière ? Ce serait trop facile… trop manichéen, presque. Alors, Philippe rédige « Pour mieux soulever l’ombre / Et découvrir ainsi / Son mystérieux verso ». En compagnie de Camus, Shakespeare, Goethe, Rostand ou Hugo, qu’il cite au sein de son livre, il explore les contrées magiques des limbes et des faces cachées. « Qu’entrent les alchimistes ! » Il y a dans cette quête, bien évidemment, un aspect éminemment personnel : « Depuis toujours je vis / Au plus près de mon ombre, / Complice de mes pas, / Auxiliaire de vie, / Surréaliste calque / De ma réalité. » Un deuil, également : « Au chevet de mon père / Dont l’ombre décharnée / Fait comme un arbre mort », c’est « Comme si un printemps / Émergé de l’enfance / Pouvait verdir l’hiver ». Au verso de l’ombre, la vie éternelle peut-être (en poésie en tout cas), si l’on y croit ? Ou tout simplement le souvenir d’un être cher, le souvenir d’une jeunesse où, souvent, s’est plongé le poète dans ses ouvrages ? Rien n’est pourtant certain : « À quel baiser / Sourit la lune ? » Les questions demeurent sans réponse, tout comme parfois les réponses, sans questions. Si les vers sont réguliers, le plus souvent des hexamètres — quasi une marque de fabrique de l’auteur —, on observe que surviennent des longueurs différentes, par exemple des octosyllabes, voire des heptasyllabes, créant ainsi un rythme sautillant : « Les jours se suivent, s’accoudent / Avec la même lenteur / Au comptoir des habitudes / Où l’horloge du grand vide / Tic-taque dans les cœurs pleins. » À petits pas ou à grandes foulées, l’ombre fait donc l’objet d’une exploration en règle, au point même de se voir apostropher. « Mais si je t’interroge / Tu ne me réponds pas / Prisonnière à jamais / De ton vœu de silence » : las, il faut croire que le verso de la belle jouera toujours l’Arlésienne. Mais « À la patère des jours lents », l’auteur a accroché son livre, donné l’impulsion contagieuse d’une quête intérieure. « Je t’ai laissé un mot / Au verso de ton ombre. » À la lumière indécise, on le suit sur les traces de l’envers du décor, à la recherche de l’autre côté du miroir.
Philippe Colmant, Verso de l’ombre, éditions Le Coudrier, ISBN 978-2-39052-077-1
Trois poèmes en extrait audio :
