Sauvage, la poésie de Marc Tison l’est certainement. Je ne dirais pas à l’opposé de l’homme lui-même, car il est tout de même rock’n’roll, Marc, mais enfin il a aussi ce charme posé de celui qui sait ce qu’il veut et qui n’a pas besoin d’esbroufe pour convaincre. Une sorte de force tranquille qui se retrouve dans ses vers et qui lui permet de faire parfois le grand écart. « Le rugueux du jour se disperse / Les lumières crues s’adoucissent // Les corps s’apaisent » : voilà de la tendresse poétique, non ? Mais quelques pages plus tôt : « Lèche les dons sur sa peau // Le suc qui transpire dans ses reins / À la jouissance retenue / Cède aux tétons les lèvres et la salive // Monomane érectile ». Alors, tendre ou obsédé ? Lyrique ou rentre-dedans ? Un peu des deux, mais tout de même plus enclin à cogner, le poète a le dandysme pressant, pourrait-on dire. Il ne cache pas son dégoût de la société de la consommation exacerbée et portée au pinacle, lui crache à la gueule (« Le ciel est une déchirure / Un empyrée de menteurs »), la vilipende avec verve (« les aventuriers indigents sont fixés sur des fadaises en 3D »), se bat contre la mort « à mains nues rouges ». Mais il se réfugie aussi dans l’intime, l’amour, se blottit dans une armoire qui lui « ferait un manteau / Une peau ». L’Affolement des courbes, c’est ce va-et-vient entre dégoût et lassitude devant le monde qui lui fait balancer les vers les plus violents et les plus doux. Et c’est sacrément agréable à lire, parce que c’est sacrément bien écrit.

Marc Tison, L’Affolement des courbes, éditions La chienne Édith, ISBN 978-2-9535052-6-9


Ce matin j’ai écouté les informations
Je n’ai pas ri
Ce partage injustifiable des infamies est une liturgie au sens de laquelle personne ne devrait être initié