Photo : Thomas Hawk, CC BY-NC 2.0

Sur la devanture mouches écrasées, suie collante — le propriétaire est
mort il y a belle lurette ; les livres affrontent avec courage les tempé-
ratures d’aquarium tropical en cornant leurs pages au soleil. Les logiciels
marquent toujours des commandes en attente — le chien qui se soulage
sur le seuil ne s’embarrasse pas de la TVA, une affiche promet la lecture
d’une autrice déjantée l’année précédente. Des braises couvent à travers
la cloison du fournil attenant, cent pour cent biologique, des croissants
à faire se damner le pervers marquis — afflux du dimanche matin, pour
la crotte du chien il faudra attendre le lundi. Pas d’arrêté municipal contre
la prise en otages de milliers de signes : les correcteurs n’ont même pas
été payés au salaire minimum, quand encore il y en a eu — mais les vers,
les paragraphes, les feuillets vivent leur vie propre de stock, contournent
habilement les édiles. Ils sont dans les têtes, dispersés, attendant la vie
nouvelle des logiciels lorsqu’ils en auront fini avec les commandes : d’un
multivers à l’autre relier les bribes de par cœur pour reconstituer les
chefs-d’œuvre qu’auront tapés à la machine obsolète une armée de singes —
les feuilles du catalogue sont encore ouvertes sur le bureau, à l’intérieur ;
la clé a été fondue en usine de recyclage, métal léger mais inconnu.