En quatrième de couverture, François Salmon prévient : « La langue d’Hugo Fontaine est un parterre sauvage, dont il arrache soigneusement les fleufleurs à fleuristes. » Eh oui, s’il y a des roses chez Hugo Fontaine, ce sont les épines qui l’intéressent, et si les figues de Barbarie sont délicieuses, il faut, avant de les déguster, se coltiner leurs piquants. L’écriture n’en finit pas de distiller ses pointes.

La langue donc, c’est la langue qui chez Hugo Fontaine constitue une marque de fabrique : elle mêle les différents niveaux, fait des entorses volontaires à la grammaire et exsude le parfum d’un poète qui ne se résigne pas aux expressions usuelles pour traduire un monde où ses yeux décèlent la beauté que certains se sont résignés à ignorer. Et puis comment ne pas baisser la garde lorsque Hugo avoue ses petits arrangements (« elle n’a jamais été ma tantine / c’était pour avoir une rime facile ») ? Parce que oui, s’il ne s’embarrasse pas de métrique conventionnelle — après tout, elle ne ferait probablement pas bon ménage avec son invention syntaxique —, le poète ose la rime ; pas tout le temps, pas systématiquement, mais au compte-gouttes, avec une précision chirurgicale qui confine à la mise en musique sans portées. D’ailleurs, le livre est aussi disponible en CD, où l’on peut entendre, sur un accompagnement musical, la scansion de l’auteur.

Torréfaction déroule sur 150 pages un petit univers où il fait bon plonger, tant dans les poèmes courts (« déplier une femme / après avoir marqué le pli / comme un origami / plier les coins, c’est fini / point de reliure, / c’était une fille vachement bien / foutue ») que dans les plus longues diatribes où Hugo Fontaine développe, en plus des thèmes qui lui sont chers (les femmes, la mécanique, les tournées offertes dans un bar…), une certaine critique de la société. Mais sans jamais un brin de condescendance ou de mépris : tout dans sa poésie respire l’empathie. Qui fait même écrire au Dr Fontaine, toujours soucieux du bien-être de ses lecteurs : « un seul avertissement buccal existe / c’est l’aphte ». Normal, quand on a mâchouillé ses branches de poésie à l’écorce rugueuse mais à la puissante saveur de réglisse. Un vrai délice.

Torréfaction, Les déjeuners sur l’herbe éditions, 152 p., ISBN 9782930433479.


J’dansais sur mon orthographe
j’empruntais la calligraphie des filles
bics aux yeux, je récidive
les demoiselles disaient éloigne-toi du récif
trépidante envie de me rapprocher du ravin
gyrophares au cou alexandrin au bas des reins
j’écrivisse j’écrevisse je tournevis je tourne
autour
du souterrain