« Il ne faudra pas bien longtemps / Avant que vous compreniez / La nature de ce recueil // C’est si enfantin / J’agis par faiblesse » : ce poème intitulé « Aveu », à la page 22, dévoile la mécanique huilée de l’art poétique de Xavier Frandon pour ce recueil. Un livre où la lumière vient de l’enfance, celle de ses filles qu’il regarde avec émerveillement et déjà nostalgie, se projetant dans la vieillesse avec elles alors qu’elles sont à peine sorties du berceau. « Comme je serai heureux de voir courir deux petits lapins », nous confie-t-il aussi en raccourcissant les années jusqu’à devenir « évincé par le ratatinage ». Enchantement du quotidien qui transporte dans un cocon de douceur. Avec des mots simples, dans une forme versifiée qui offre quelques rimes telles des fleurs écloses, ou bien des sonnets en salutaire contrainte de longueur, Xavier écrit des poèmes comme il discourrait, ne travaille pas au corps les métaphores, laisse couler les mots. Il parle de la vie beaucoup, de la nostalgie un peu ; beaucoup moins que dans ses précédents ouvrages, en tout cas. Ici, tout est baigné de clarté amoureuse, tout resplendit d’optimisme. Bien sûr, quelques ombres passent. Comment pourraient-elles être ignorées, puisqu’on évoque là deux adorables petites filles – doudou lapin en couverture est bien là pour le rappeler – et que s’inquiéter pour leur avenir dans le monde actuel est après tout signe de grande intelligence. Mais rien n’obscurcit l’empathie modeste et sincère de ce recueil. Et lorsque Xavier écrit « Tiens, je te fais un cadeau / C’est rien / C’est mon cœur vivant », on sait que ce n’est pas un simple mot d’enfant, mais un programme de vie. Un programme de poésie aussi, car les deux se confondent ici. C’est doux, sensible, pas guimauve, pas bravache. Une poésie qui fait sourire d’aise sans sortir la grosse artillerie. Qui fait du bien, quoi : mission accomplie.

Xavier Frandon, Le Souci du bien, éditions du Cygne, ISBN 978-2-84924-593-4