Pour être Académicien, il faut faire acte de candidature. La nécessaire vanité d’une telle démarche sied-elle à un poète ? Il faut bien le dire : c’est la mention « de l’Académie française » qui a aiguisé ma curiosité pour L’Infiniment Proche, dernier recueil de Michael Edwards. Résultat, une belle surprise, avec un livre qui sait concilier formes classiques et invention poétique actuelle.

Si Michael Edwards écrit aussi bien en anglais qu’en français, force est de constater que, dans ce livre, à part quelques expressions ou substantifs çà et là ou l’évocation de John Constable, ces deux univers semblent compartimentés. L’ensemble respire la poésie française, tant dans le rythme (certains alexandrins sont des modèles de classicisme) que dans l’inspiration, trouvée sur cette frontière ténue qui sépare le réel de l’imaginaire et qu’on retrouve en majorité dans de nombreuses revues de poésie hexagonales.

Mais de classicisme excessif, point : si Edwards nous gratifie d’une « Mort de Sardanapale » en contemplation du tableau, il le fait en vers libres, dans une forme à la structure lâche, « Où l’on survit à un désastre les yeux pleins de rêve ». Oui, il convoque « Obéron, Titania et la ronde des fées », mais sait aussi regarder par la fenêtre pour trouver l’inspiration, comme avec ce loriot, « alto / à la gorge ronde ». Comme une sorte d’art poétique, il nous apprend aussi que, pour lui, « le poète sème des versillons d’une justesse exemplaire », « dans des vers alignés, un univers parallèle ». Presque à l’opposé du bloc-notes plutôt rationnel qu’il tient sur le site de l’Académie française.

L’ensemble est donc bien équilibré et pas d’un autre âge, contrairement à la vénérable (en tout cas dans l’expression consacrée) institution fondée par Richelieu. Et il y a même un morceau de bravoure ; en sept séquences et sur une cinquantaine de pages, « Au fond du puits » est un long chapitre qui s’ouvre lorsque le poète « touche avec [sa] main la margelle du puits », pour se demander : « Mais qu’est-ce donc qu’il veut de moi, au fond du puits ? » S’ensuivent questions concrètes et rhétoriques (le puits est-il réel ?), métaphores et exclamations (« Être un, être nu ! ») en vers libres ou en vers rimés et cadencés, qui traduisent en mots le regard poétique qui jaillit d’une situation exceptionnelle (ou pas) et qui interroge le monde.

Un recueil à la fois sage et espiègle, à la fois sérieux et facétieux, et aux formes éclectiques.


L’Infiniment Proche, éditions de Corlevour, 112 p., broché, 19 €
ISBN 978-2-37209-017-9


LORIOT

corps
invisible glorieux

flûte en or
de la forêt

alto
à la gorge ronde

oracle
au secret des feuilles

appel
d’ailleurs

tes lances de velours
étonnent le silence

tu t’évanouis
dans la nuit des verdures